Market makers : comprendre leur vrai rôle

À quoi sert un market maker ? Comment fonctionne-t-il ? Je t'explique tout.
PAR BOBBY CAROTTES24 mai 2025
Market makers : comprendre leur vrai rôle

Les market makers jouent un rôle primordial sur les marchés financiers, mais leur fonctionnement reste mal compris.

Je vais t’expliquer tout ce que tu dois savoir.

Quel est le rôle principal d'un market maker ?

Un market maker (ou teneur de marché) est une entité dont le rôle est de proposer de la liquidité sur un marché financier.

Concrètement, il remplit en continu les deux colonnes du carnet d’ordres :

  • Le bid (prix auquel il est prêt à acheter)
  • Le ask (prix auquel il est prêt à vendre)

On retrouve les market makers sur tous types d'actifs financiers : cryptomonnaies, actions, produits dérivés, Futures, CFD

Carnet d'ordre BTC/USDC sur Binance

Source : carnet d’ordres BTC/USDC sur Binance.

Qui peut être market maker ?

Ce rôle n’est pas accessible à n’importe qui et nécessite de remplir plusieurs conditions : avoir les compétences, les moyens techniques et le capital suffisant.

Une vraie expertise

Le market making demande la maîtrise de plusieurs domaines.

  • Financière : comprendre le fonctionnement des marchés, les produits cotés, les risques de position
  • Technique : gérer des flux d’ordres en continu, optimiser la latence, interfacer les systèmes avec les bourses
  • Statistique : construire des modèles de pricing, analyser le comportement du carnet d'ordres, ajuster les stratégies automatiquement

Ce niveau d’expertise est réservé à des équipes spécialisées, souvent composées de quants, d’ingénieurs et de traders expérimentés.

Une infrastructure technique solide

Le market maker envoie, modifie et annule des ordres en continu.

Tout se joue très vite, parfois à la microseconde.

Sur certains marchés, être exécuté une fraction de seconde avant un autre acteur peut faire toute la différence.

Pour rester compétitif, il faut des serveurs placés au plus près des bourses, une connexion réseau ultra rapide, et une équipe d’ingénieurs capable de tout surveiller en continu.

Un capital important

Pour tenir les prix qu’il propose, le market maker doit pouvoir exécuter ses ordres à tout moment.

Il ne peut pas se contenter d’afficher un prix, il doit être capable d’acheter ou de vendre immédiatement.

Ça implique d’avoir et de garder en permanence un capital élevé à disposition.

Une autorisation officielle

Sur les marchés régulés (actions, futures, options, etc.), il ne suffit pas d’avoir les moyens.

Il faut aussi obtenir l’autorisation d’opérer comme market maker via un contrat signé avec la bourse.

Ce contrat impose la remise d’un dossier complet avec : preuve de solidité financière, plan de gestion des risques, historique de performances, fiabilité de l’équipe.

En crypto, les conditions sont parfois plus souples, mais les exchanges demandent quand même des garanties avant d’autoriser ce rôle.

Qui sont les vrais market makers ?

Ce sont des structures solides et souvent spécialisées :

Type d'acteurOù ils opèrent le plus souvent
Grandes banques d'investissementActions, futures, options régulées
Sociétés de trading haute fréquenceFutures, devises, indices, crypto
Firmes de courtage spécialiséesObligations, ETF, produits listés
Desks internes d'exchanges cryptoPaires spot et dérivés maison

Et les particuliers dans tout ça ?

Un trader indépendant peut techniquement placer une grande quantité d’ordres, mais ce n’est pas du vrai market making.

Il n’a pas de contrat, aucun avantage (frais réduits, accès aux carnets ou aux flux), et surtout, il ne dispose pas des infrastructures nécessaires.

Les exigences de capital, le coût du matériel, la gestion du risque et les critères d’agrément rendent ce rôle inaccessible à un profil isolé.

Pourquoi a-t-on besoin des market makers ?

Dire qu’ils apportent de la liquidité ne suffit pas à comprendre l’utilité des market markers.

Il faut voir les problèmes qu’ils permettent d’éviter.

Ils réduisent la volatilité

Tu n’es pas sans savoir que le prix d’un actif varie selon l’offre et la demande.

Quand les deux sont présentes, les échanges se font normalement et le prix reste cohérent.

Mais si l’un des deux manque, le marché peut devenir instable.

Le prix peut alors sauter brutalement d’un niveau à un autre (c’est ce qu’on appelle un gap).

Les market makers limitent ces mouvements en assurant qu’il y ait un prix affiché dans le carnet d’ordres (ils donnent plus de profondeur).

Ils attirent des intervenants et inspirent confiance

Un carnet vide ou peu actif fait fuir les traders.

À l’inverse, un carnet bien rempli rassure et montre qu’il y a de l’activité.

Des exchanges crypto comme MEXC l’avaient bien compris à leur lancement : ils rémunéraient les market makers pour remplir les carnets.

Donc même si la plateforme de trading était nouvelle, les traders voyaient une plateforme active avec de la liquidité, et n’avaient donc pas peur d’y passer leurs ordres.

Ils assurent la cohérence entre marchés

Un actif peut être coté sur plusieurs places boursières en même temps.

Par exemple, l’action Sanofi est cotée à la fois en Europe et aux États-Unis.

Sans intervention, les prix peuvent diverger d’un marché à l’autre selon l’offre et la demande locale.

Les market makers interviennent pour limiter ces écarts et maintenir une cohérence dans les prix.

Ils permettent alors aux différents acteurs du marché (traders, banques, régulateurs, etc) de s’appuyer sur une base commune.

Qui profite des actions des market makers ?

Même si certains s’en méfient, les market makers apportent des avantages concrets à tous les acteurs du marché :

  • Traders particuliers : une meilleure exécution, moins de variations brutales entre deux niveaux de prix
  • Fonds et investisseurs : possibilité de passer de gros ordres sans trop impacter le cours
  • Brokers et plateformes : carnets d’ordres plus remplis, image plus sérieuse auprès des utilisateurs
  • Entreprises cotées : un prix plus stable pour leurs actions, ce qui rassure les actionnaires
  • Le marché dans son ensemble : des cotations plus cohérentes entre plateformes, et un fonctionnement plus fluide

Les market makers peuvent-ils faire ce qu’ils veulent ?

Non, ils doivent respecter un cadre imposé par les plateformes, les brokers ou les régulateurs.

Quand ils signent un contrat de market maker, certaines règles s’appliquent.

Parmi les plus fréquentes :

  • Présence minimale : ils doivent être actifs sur le carnet un certain pourcentage du temps (ils peuvent quand même s’absenter brièvement en cas d’annonces majeures)
  • Volume minimum : ils doivent proposer des ordres significatifs (l’objectif est d’apporter une vraie liquidité, pas juste de faire acte de présence)
  • Respect du spread : l’écart entre le bid et le ask ne doit pas être trop large (un spread trop large pénalise les traders et nuit à la qualité du marché)
  • Ordres exécutables : certains marchés exigent qu’un pourcentage soit réellement exécuté

Ces règles visent à éviter les illusions de liquidité et à maintenir la fiabilité du carnet d’ordres.

Les pratiques interdites

Certaines pratiques peuvent donner l’impression d’apporter de la liquidité, mais sont interdites.

PratiqueDescription
SpoofingAfficher un gros ordre puis l'annuler avant exécution
LayeringMême tactique que le spoofing, mais sur plusieurs niveaux de prix
Wash tradingS'auto-exécuter pour gonfler artificiellement le volume
Pump & Dump

Pousser le prix vers le haut pour revendre plus cher à la foule, puis laisser chuter

C’est pour cette raison qu’elles sont surveillées de près par les régulateurs.

Plusieurs banques dont JP Morgan ont déjà été sanctionnées avec des amendes de plusieurs centaines de millions de dollars pour ce genre de pratiques.

Qu’est-ce qu’ils y gagnent ?

Les market makers ne sont pas là par charité, leur objectif est de générer du profit.

Ils gagnent de l’argent de deux manières :

  1. Par les stratégies de trading qu’ils mettent en place (on y revient juste après)
  2. Par les avantages négociés dans leurs contrats avec les bourses ou les plateformes

Par exemple :

  • Des frais de transaction réduits ou supprimés
  • Un accès à des données exclusives (carnets d’ordres, flux en temps réel, etc.)
  • Une connexion directe aux serveurs pour exécuter leurs ordres plus vite
  • Une rémunération en fonction de la liquidité apportée ou des volumes traités
  • Dans certains cas, des prêts d’actifs sans garantie (surtout en crypto)

Comment les market makers gagnent-ils de l’argent ?

En théorie, ils se rémunèrent sur l’écart entre le prix d’achat (bid) et le prix de vente (ask).

C’est ce qu’on appelle le spread.

Ils achètent un peu moins cher qu’ils ne vendent, et la différence constitue leur marge.

Par exemple, s’ils achètent simultanément à 5909,75 et vendent à 5910, ils gagnent 0,25 point par aller-retour.

Comment les market makers gagnent-ils de l'argent ?

Mais en pratique, cette stratégie seule n’est pas suffisante, le spread est souvent trop faible pour couvrir les frais, les risques de marché et les coûts d’infrastructure.

Les market makers s’appuient donc sur d’autres stratégies plus rentables.

Élargir volontairement le spread

Quand un marché devient plus incertain (à cause d’une annonce économique ou d’une faible liquidité), le market maker peut choisir d’élargir le spread.

Il augmente sa marge pour compenser le risque.

Au lieu de gagner 0,25 point, il peut viser un point entier.

Par exemple, acheter à 5909,5 et vendre simultanément à 5910,5.

Cette marge plus large lui permet aussi de compenser d’éventuelles pertes sur d’autres positions.

Les produits complexes et sur mesure

Avec certains actifs financiers comme les produits structurés, le spread ne se calcule pas aussi simplement.

Le market maker ne se contente pas d’afficher des prix dans un carnet.

Il doit parfois créer un produit sur mesure pour un client, avec des paramètres spécifiques : durée, volatilité, sous-jacent, taux, etc.

Dans ce cas, il travaille avec des équipes techniques (quants, structureurs) pour construire le produit, le pricer et en assurer la cotation.

L’enjeu n’est pas de grappiller quelques points, mais de bien évaluer le risque pris tout en restant compétitif face à d’autres desks.

L'arbitrage entre plateformes

Un market maker peut aussi intervenir sur plusieurs marchés à la fois.

Quand une différence de prix apparaît entre deux marchés, il peut en profiter et faire un arbitrage.

Par exemple, si le Bitcoin est à 100 000 € sur MEXC et à 101 000 € sur Binance, il va acheter sur MEXC et vendre sur Binance.

Quand les prix convergent (par exemple à 100 700 €), il encaisse la différence.

Market maker arbitrage entre plateformes

C’est du trading haute fréquence, il faut des algorithmes rapides et un accès direct aux carnets.

Ce type d’arbitrage existe aussi sur les actions cotées sur plusieurs places, l’objectif reste le même : détecter une anomalie de prix, intervenir vite, et sortir dès que les prix reviennent à un niveau cohérent.

Le market making statistique

Avec cette stratégie, le market maker se base sur des modèles quantitatifs ou statistiques pour identifier des écarts entre actifs normalement corrélés.

Par exemple : le Nasdaq et le S&P 500, ou encore le Bitcoin et l’Ethereum.

Ces actifs évoluent souvent de façon similaire.

Quand l’un s’écarte trop de l’autre, le market maker vend celui qui est "trop haut", achète l’autre, et attend que les prix se recollent.

C’est une stratégie basée sur la corrélation, pas sur un simple écart de prix.

Certaines stratégies vont encore plus loin, elles recalculent la valeur d’un indice (comme le CAC 40) à partir de ses composants réels, et comparent ce prix "interne" au prix coté.

S’il y a une différence, elles vendent l’indice et achètent les actions, ou l’inverse.

Le market making sur options

Ici, le market maker ne se contente pas d’afficher des prix, il calcule la valeur des options en fonction de plusieurs paramètres : volatilité anticipée, prix du sous-jacent, temps restant, taux d’intérêt.

Il se couvre sur la direction du marché et cherche à gagner sur les mouvements de volatilité (gamma, carry, skew, etc.).

Par exemple, il peut miser sur une hausse de la volatilité.

Les stratégies les plus connues dans ce cadre sont l’arbitrage de volatilité et la dispersion.

Le market making basé sur l'order flow

Certains market makers adaptent leurs décisions en temps réel selon l’activité du carnet.

Par exemple, s’ils repèrent un gros acheteur qui pousse le prix, ils peuvent :

  • Écarter le spread pour réduire leur exposition
  • Se retirer momentanément
  • Renforcer leur présence côté acheteur
  • Ou même devenir eux-mêmes "taker" pour provoquer un breakout et revendre plus haut

Dans cette logique, ils utilisent leur propre liquidité pour accompagner ou ralentir un mouvement selon leurs objectifs.

C’est une forme de spéculation contrôlée, qui reste compatible avec leur rôle de fournisseur de liquidité.

La gestion d’inventaire aux ouvertures et fermetures

La gestion d’inventaire, surtout en début et en fin de séance, fait partie intégrante du rôle.

Elle permet d’optimiser les entrées et les sorties, tout en respectantles limites réglementaires.

Si le market maker estime qu’un actif est temporairement sous-évalué, il va chercher à en accumuler pendant la session pour pouvoir le revendre plus haut plus tard.

À l’inverse, s’il est trop exposé, il va chercher à réduire sa position sans perturber le marché.

Ce travail se fait en finesse : ordres découpés, présence ajustée dans le carnet, utilisation de techniques comme les sweep orders pour limiter l’impact.

Les idées reçues sur les market makers

Est-ce qu’ils chassent nos stop-loss ?

Non, pas sur les marchés régulés.

Un compte individuel représente un volume trop faible pour qu’ils s’y intéressent.

Ce genre de manipulation existe surtout chez certains brokers CFD non régulés, qui traitent directement contre leurs clients.

Est-ce qu’ils prennent zéro risque ?

Ils prennent des risques tous les jours.

Si un flux massif achète ou vend tout leur stock d’un seul coup, ils peuvent subir des pertes.

C’est pour ça qu’ils ajustent leur spread, se couvrent en temps réel et diversifient leurs stratégies.

Est-ce qu’ils contrôlent le prix pendant plusieurs heures d’affilées ?

C’est peu probable.

Leur rôle se joue sur des horizons très courts, parfois à la seconde.

Maintenir artificiellement un prix pendant plusieurs heures coûterait trop cher et serait vite visible.

Quand une tendance dure, elle vient plutôt d’autres acteurs : fonds, hedging sur options, ou annonces macroéconomiques.


Les informations proviennent de mon expérience professionnelle en salle de marché et des nombreuses discussions que j’ai pu avoir avec des traders.

Avertissement : il ne s’agit pas de conseils en investissement.

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